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Crowdfunding immobilier : 2023, année de tous les dangers

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Pour le crowdfunding, 2022 a été un très bon millésime. Le financement participatif en immobilier a levé 1,6 milliard d’euros en 2022 (sur un marché de la promotion de 40 milliards), soit une hausse de 40% sur un an, d’après le baromètre annuel du crowdfunding réalisé par groupe d’audit Mazars pour l’association Financement participatif France. « Nous voyons de plus en plus d’investisseurs venir sur notre plateforme. C’est le même constat pour les marchands de biens et les promoteurs qui (sur ces plateformes, ndlr) cherchent des financements alternatifs au crédit immobilier traditionnel », constate Gautier Allard, directeur général de la plateforme ClubFunding, un mastodonte créé en 2015 ayant collecté 515 millions d’euros en 2022.

Le crowdfunding immobilier est un mode de financement alternatif de projets de construction ou de rénovation de biens par le public. En ligne, les plateformes dédiées, encadrées depuis 2014 par le statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP), servent d’intermédiaire entre un promoteur ou un marchand de bien et des investisseurs particuliers. Depuis ses débuts dans les années 2000, le secteur n’arrête pas de croître avec, à date, 152 plateformes enregistrées IFP qui propose aux particuliers d’investir dans des projets à partir de 1.000 euros, selon l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS).

Et depuis une dizaine d’années, l’engouement est croissant pour ce placement alternatif dont la somme investie est bloquée pendant plusieurs mois voire plusieurs années. Et pour cause, le crowdfunding immobilier propose un rendement moyen de 9,4% par an en 2022, selon Mazars, pour des risques qui se sont avérés très limités jusqu’ici. « L’année dernière, nous estimons une perte totale des fonds des investisseurs à moins d’un projet sur cent et des retards de remboursement de plus de six mois à cinq projets sur cent », détaille Bertrand Desportes, associé chez Mazars en charge de ce baromètre.

Une année 2023 qui s’annonce difficile pour le secteur

Si tout roule pour les plateformes de crowdfunding immobilier depuis plus de dix ans, la dégradation des conditions économiques et la hausse des taux directeurs menacent aujourd’hui le secteur. « Les investisseurs se posent plus de questions depuis quelques mois » confie Jean Baptiste Vayleux, cofondateur de Lymo, une plateforme de crowdfunding et de promotion immobilière créée en 2013 et ayant levée 45 millions d’euros depuis sa création.

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L’une des premières inquiétudes est celle de l’impact de la hausse des taux sur les opérateurs. « Il y a un renchérissement du coût de financement des opérations puisque les promoteurs qui empruntent après avoir levé des fonds avec du crowdfunding ont des taux plus élevés ce qui va les pousser à rogner sur leurs marges », explique le cofondateur de Lymo qui estime toutefois que peu de promoteurs seront menacés par cette charge supplémentaire. D’après le responsable de Lymo, le coût de financement représente entre 5 et 15% du coût de revient des promoteurs quand le coût de construction représente plus de 50%. En 2021, ce fut justement au tour des coûts de construction d’augmenter fortement à cause de l’inflation, sans pour autant augmenter le taux de défaut des plateformes.

« En revanche, la véritable incertitude, c’est la commercialisation des biens », alerte Jean Baptiste Vayleux. A cause de la hausse des taux, nombre de ménages se voient refuser leurs crédits immobiliers. Un phénomène qui pourrait menacer les ventes des logements une fois la construction ou la rénovation d’un bâtiment terminé. Problème, les investisseurs en crowdfunding ne peuvent être remboursés qu’une fois les logements vendus. Une crise de commercialisation pourrait donc augmenter le nombre de retards de remboursements et même menacer la mise et le rendement des investisseurs si les biens financés en crowdfunding sont bradés. Cette situation n’a cependant rien d’une fatalité d’après Quentin Romet, cofondateur de la plateforme Homunity qui a levé 550 millions d’euros et financé 450 projets depuis son lancement en 2014. « Si les opérateurs ne parviennent pas à vendre à des ménages, ils pourront vendre les appartements en bloc auprès d’institutions comme la Caisse des dépôts. Et il ne faut pas oublier que le niveau des stocks de biens (non vendus, ndlr) est historiquement bas, donc une difficulté de commercialisation pourrait être l’occasion pour les promoteurs de mettre ces nouveaux appartements en stock », nuance le chef d’entreprise.

En dehors de ces risques variés et nuancés, une chose fait consensus : « Ça va être une année mouvementée », certifie Paul Jarquin, président de REI habitat, un promoteur ayant fait appel à du crowdfunding ces dernières années.

La cruciale sélection des projets par les plateformes

Aussi, pour éviter d’exposer leurs investisseurs à des projets ou des opérateurs qui pourraient faire défaut, les plateformes de crowdfunding ont une responsabilité d’analyse et de sélection.

« Dans un marché compliqué, si la sélection des projets par les plateformes n’est pas rigoureuse, il y a un vrai risque d’augmentation des défauts dans le crowdfunding », prévient Paul Jarquin. Problème, selon le promoteur « les plateformes n’ont pas les capacités d’analyse des banques », ce qui pourrait les exposer à des projets ou des promoteurs fragiles.

Un point de vue qui n’est pas partagé par Bertrand Desportes qui estime que « les plateformes de crowdfunding sont exposées publiquement sur leurs taux de défauts donc elles redoublent d’efforts pour éviter ces situations. Aujourd’hui elles ne sélectionnent que 15%* des projets en moyenne et ce chiffre va encore baisser avec l’année à venir et l’encadrement du statut de prestataire européen de service de financement participatif qui s’installe de plus en plus. Avec ce nouveau statut, il va y avoir un contrôle proche de celui des sociétés de gestion », défend l’associé chez Mazars.

Chaque plateforme à sa propre grille de sélection des projets. Pour le français Clubfunding « on analyse l’opérateur (son historique, son endettement), l’opération (l’emplacement, le prix des biens, les marges, etc) et les garanties (la caution des dirigeants sur le projet, une hypothèque sur le bien) », détaille Gautier Allard.

Une garantie est même obligatoire pour chaque construction : celle de l’achèvement des travaux. « Si un promoteur fait défaut, cette garantie doit permettre à l’établissement bancaire du promoteur de financer l’achèvement des travaux », explique Me Edouard Grimond, porte-parole du Conseil supérieur du notariat. Les investisseurs ne peuvent théoriquement pas se retrouver avec un chantier non fini sur les bras. Cela étant, le projet peut toujours être bradé et faire une partie de la mise investie par les financeurs.

Néanmoins, au vu du contexte à venir pour le secteur, prudence est mère de sûreté. « Il faut diversifier son investissement sur plusieurs projets et sur plusieurs plateformes et aussi ne pas investir tout son capital au même moment pour ne pas être coincé dans une mauvaise période de marché », estime Jérôme Rusak, président du cabinet de conseil en investissement L&A Finance.

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ZOOM – Un secteur qui se tourne vers la rénovation énergétique

Un segment du crowdfunding immobilier a tiré son épingle du jeu en 2022 : la rénovation. A cause de la baisse des permis de construire dans l’Hexagone qui plombe le marché de la construction et des besoin de rénovation énergétique des passoires thermiques qui seront progressivement interdites à la location, les projets de remise en état de bâtiments sont particulièrement scrutés par les plateformes de crowdfunding. « Les projets de rénovation de marchands de bien sont moins risqués et sur des durées plus courtes » explique Bertrand Desportes.

Résultat, les projets de rénovation ont représenté 85% des projets sélectionnés par Clubfunding en 2022 car « Avec des marges de 15 à 20 %, les opérations de marchand de biens présentent un risque de défaut moindre que la promotion dont les marges s’établissent entre 7 et 15 %. Elles peuvent en outre être sécurisées par une mise en hypothèque du bien existant  », justifie Gautier Allard. Et la priorisation croissante des projets de rénovation dans le crowdfunding semble d’ailleurs être un mouvement global. Selon le rapport de Mazars, en 2022, 56% des opérations de crowdfunding immobilier étaient des projets de rénovation portés par des marchands de biens quand ils représentaient seulement 39% des opérations en 2020. Outre une éventuelle fragilisation du secteur, 2023 sonne donc véritablement comme une année de mutation du marché du crowdfunding immobilier.

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